Les parlementaires de l’OTAN demandent aux pays alliés des mesures plus rigoureuses pour parer à la menace sécuritaire émanant de la corruption

20 novembre 2022

Ce samedi 19 novembre, les législateurs de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN ont mis en garde les pays membres de l’Alliance et les ont appelés à intensifier les efforts déployés à l’échelle nationale comme internationale pour combattre la corruption, un instrument dont la Russie et d’autres régimes autoritaires se servent pour saper les gouvernements et dévoyer la démocratie.


« Des acteurs malveillants tels que la Russie font de la corruption une méthode de gouvernance », a affirmé Harriett Baldwin (Royaume-Uni) devant la commission de l’économie et de la sécurité (ESC). « Le Kremlin s’en sert couramment tant sur la scène intérieure,  pour créer une élite docile et complice, qu’à l’étranger, pour affaiblir les pays limitrophes ou proches de ses frontières. »


Mme Baldwin a rédigé un projet de résolution que l’ESC a adopté et qui demande « une action collective pour mettre les Alliés, leurs partenaires et, plus généralement, le monde démocratique à l’abri de l’influence néfaste de la corruption ».


La résolution devrait être définitivement adoptée lundi prochain lors de la séance plénière clôturant la session annuelle de quatre jours que l’AP-OTAN tenait cette année à Madrid. Entre autres recommandations concrètes, elle invite les gouvernements à combler les failles juridiques qui facilitent le blanchiment de l’argent sale, à surveiller les marchés des cryptomonnaies pour y traquer toute activité illégale et à créer au siège de l’OTAN un centre pour la résilience démocratique.


 À la séance inaugurale de la session, les membres de l’Assemblée ont exprimé leur soutien inébranlable à la résistance que l’Ukraine oppose à l’agression illégale russe. Toutefois, les participants – un peu moins de 300 parlementaires des pays alliés et partenaires – ont aussi débattu un certain nombre d’autres grandes questions touchant à la sécurité.


Michał Szczerba (Pologne) affirme dans un rapport que l’attaque lancée par la Russie contre l’Ukraine en l’absence de la moindre provocation risque d’aggraver l’instabilité et la polarisation dans les Balkans occidentaux. Pour prévenir ce risque, l’OTAN et l’Union européenne doivent dynamiser leurs relations avec les pays de la région et promouvoir leur intégration euro-atlantique.


 « L’OTAN devrait envisager de renforcer sa présence militaire [dans les Balkans occidentaux] afin de décourager les agressions et la violence à un moment où les tensions internationales sont à leur paroxysme », peut-on lire dans le rapport de M. Szczerba. « Il faut envoyer un signal fort pour indiquer qu’une région stable reste dans l’intérêt vital de la communauté euro-atlantique (...) et qu’on ne laissera ni la Russie ni ses agents déstabiliser cette partie importante de l’Europe. »


De l’avis des participants, l’invasion de l’Ukraine par la Russie vient conforter l’idée que les ressources de l’OTAN et de ses membres tout comme le nouveau concept stratégique de l’Alliance doivent se concentrer sur la dissuasion et la défense en Europe. Marcos Perestrello de Vasconcellos (Portugal) n’en a pas moins rédigé un rapport recommandant aux pays alliés de ne pas perdre de vue « le pivot stratégique mondial en direction du bassin indo-pacifique ».


Selon ce rapport, la stratégie de l’OTAN dans la région continuera à se focaliser sur l’amélioration des partenariats avec des démocraties animées de motivations semblables aux siennes, dont l’Australie, la Corée du Sud, le Japon et la Nouvelle-Zélande. Cependant, les relations avec la Chine revêtiront une très grande importance.


 « Les Alliés doivent réduire leur dépendance stratégique par rapport à la Chine », écrit M. Perestrello, faisant référence aux chaînes d’approvisionnement économiques et aux investissements chinois dans les infrastructures essentielles.


Parallèlement, le dialogue avec Pékin doit se poursuivre autour de sujets tels que la maîtrise des armements, le maintien de la paix, le changement climatique, l’Afghanistan ou encore la dénucléarisation de la péninsule de Corée.


Faik Öztrak (Türkiye) a établi un rapport comportant une analyse plus générale des préoccupations liées aux chaînes d’approvisionnement dans le contexte de la pandémie de Covid-19 et des hostilités déclenchées par la Russie contre l’Ukraine.


Au moment même où les Alliés se mettent en quête d’une plus grande autonomie économique afin de diminuer leur dépendance dans certains secteurs stratégiques, M. Öztrak lance un avertissement : il faut prendre garde à « ne pas tuer la poule aux œufs d’or de la prospérité largement partagée qui est générée par le libre-échange (...) [et] l’ouverture des marchés. »


L’auteur du rapport a déclaré devant l’ESC : « Rien de tout cela ne doit signifier la fin des systèmes d’échanges ouverts mais, s’agissant des technologies et des produits d’importance critique, il est probablement plus sensé, économiquement parlant, d’‟acheter OTAN” que de dépendre exagérément de concurrents stratégiques ou d’‟acheter national”. »


En dépit des succès remportés par les pays alliés et partenaires, le terrorisme continue à faire peser une menace aussi complexe que changeante sur la sécurité des citoyens et des pays membres de l’OTAN, a fait observer Jean-Charles Larsonneur (France).


Dans un projet de rapport adopté par la commission de la défense et de la sécurité, le parlementaire a constaté : « (...) [L]a Russie représente (...) la principale menace pesant actuellement sur la sécurité euro-atlantique. Mais la menace asymétrique que constitue le terrorisme reste néanmoins bel et bien présente. (...) [S]i les Alliés axent aujourd’hui leurs efforts sur (...) leur posture de défense et de dissuasion collective, ils restent particulièrement vigilants (...) à l’évolution de cette menace. »


Le même rapport recommande de partager plus largement les données du renseignement – y compris entre les services qui, dans les pays alliés, sont chargés de la sécurité intérieure –, de continuer à appuyer les opérations cinétiques antiterroristes et de soutenir les efforts multilatéraux consacrés par l’ONU, l’Union européenne, l’Union africaine et d’autres entités au traitement des causes profondes du terrorisme.
Selon un rapport de Rodrigue Demeuse (Belgique), la préservation de l’espace humanitaire est un autre domaine dans lequel l’Alliance peut accroître la sécurité.


L’action humanitaire « joue un rôle fondamental dans la stabilisation des pays et régions en conflit, et donc par extension dans la sécurité de l’Alliance », écrit M. Demeuse. « Il est donc impératif que les Alliés et l’OTAN prennent des mesures supplémentaires afin de renforcer la sécurité des humanitaires et de lever les obstacles qui les empêchent de répondre aux besoins des populations. »