Le rôle central de la Pologne dans le soutien à la défense, à la reconstruction et à l’adhésion de l’Ukraine aux institutions euro-atlantiques

23 mars 2023

Depuis le début de la guerre illégale de la Russie contre l’Ukraine, la Pologne a apporté tout son soutien aux institutions démocratiques et à la population ukrainiennes. La réaction de la Pologne a été appuyée par un puissant accord multipartite et sociétal sur la nécessité pour le pays de soutenir son voisin, la grande générosité de la population polonaise envers les millions de réfugiés ukrainiens étant la meilleure illustration de la profondeur de ce soutien. Sur les quelque 10 millions d’Ukrainiens arrivés en Pologne depuis le début de la guerre, environ 1,5 million vit, étudie ou travaille en Pologne actuellement.

Cette puissante camaraderie et ce sens d’un destin commun entre la Pologne et l’Ukraine ont été au cœur d’un dialogue que 24 législateurs de 11 parlements membres de l’OTAN et un membre de la Verkhovna Rada ukrainienne ont engagé avec de hauts responsables du gouvernement et du parlement polonais, des universitaires, des responsables militaires et des experts en politique. La délégation de la sous-commission sur les relations transatlantiques (PCTR) et de la sous-commission sur la transition et le développement (ESCTD) de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN était dirigée par Lord Hamilton of Epsom (Royaume-Uni), président de la PCTR, ainsi que par Tamas Harangozo (Hongrie) et Lubna Boby Jaffery (Norvège), vice-présidents de l’ESCTD. L’un des objectifs de la visite était d’obtenir des informations pour un rapport de l’Assemblée sur la reconstruction de l’Ukraine, que prépare actuellement Michal Szczerba (Pologne), vice président de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN et rapporteur de la ESCTD.

À l’ouverture de cette visite de deux jours, Ryszard Terlecki, vice-maréchal de la Sejm, a déclaré que la Pologne et ses alliés baltes n’avaient eu de cesse d’avertir que l’annexion illégale de la Crimée par la Russie en 2014 n’était qu’une manœuvre d’ouverture. Il leur semblait évident que le président russe Vladimir Poutine ne s’arrêterait pas à la Crimée, ses ambitions étant impérialistes par nature. L’attaque de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022 n’a fait que confirmer ces prédictions. 

Soutien à l’Ukraine et progression de l’adaptation de l’OTAN

Les interlocuteurs polonais ont indiqué que l’envoi d’un important soutien militaire avait été déterminant pour espérer parvenir à bouter l’envahisseur russe. Ils ont exprimé à plusieurs reprises leur espoir que l’Ukraine finisse par remporter la guerre, ajoutant que les Alliés devaient veiller à ce que l’Ukraine soit pleinement soutenue.

Ils ont également salué le déploiement de 10 000 soldats américains et militaires d’autres Alliés sur le territoire polonais, ce qui renforce la posture de dissuasion et de défense de l’OTAN. Les défis et menaces qui pèsent sur le flanc oriental de l’OTAN ont également été au centre des séances d’informations tenues par des experts du centre d’études orientales, le principal groupe de réflexion polonais. 

Tomasz Grodzki, président du Sénat polonais, ainsi que plusieurs intervenants qui se sont entretenus avec la délégation, ont suggéré que l’adhésion de l’Ukraine à l’UE et à l’OTAN était fondamentale pour l’avenir du pays ainsi que pour la paix et la sécurité en Europe plus largement. Selon les interlocuteurs polonais, la seule alternative à l’intégration de l’Ukraine à l’Occident est le projet éculé de Russkiy Mir (« monde russe ») poursuivi par Vladimir Poutine, c’est-à-dire la création d’une grande Russie impériale qui, s’il se concrétisait, constituerait une menace constante pour l’ordre européen. 

Si la Russie était en mesure de revendiquer la victoire de cette guerre, son agression ne s’arrêterait pas en Ukraine, a averti Paweł Jabloński, sous-secrétaire d’État au ministère polonais des affaires étrangères. L’OTAN, a-t-il ajouté, a commis une grave erreur lors du sommet de Bucarest, en décidant de refuser la participation de la Géorgie et de l’Ukraine aux plans d’action pour l’adhésion. Vladimir Poutine a vu dans cette décision un feu vert pour passer à l’offensive. Cette erreur ne doit pas se reproduire, a averti le sous-secrétaire d’État, et c’est pour cette raison que la future adhésion de l’Ukraine à l’OTAN doit désormais être considérée comme un pilier essentiel du nouvel ordre de sécurité européen. 

Les responsables et les experts polonais ont souligné que l’OTAN ne devait pas limiter la présence de ses troupes à son flanc oriental, expliquant que l’Acte fondateur OTAN-Russie pouvait être considéré comme enterré. Ils ont également exhorté tous les Alliés à consacrer au moins 2 % de leur PIB à la défense, en considérant ce taux comme un plancher et non comme un plafond à atteindre. Les décideurs polonais se sont dits convaincus que la Suède et la Finlande devaient adhérer à l’OTAN, et ils ont appelé la Turquie et la Hongrie à soutenir l’adhésion des deux pays nordiques.

Le point de vue de Kiev 

Galyna Mykhailiuk, chef adjointe de la commission de l’application des lois de la Verkhovna Rada, a participé à la visite et exprimé un point de vue ukrainien sur l’évolution de la situation dans son pays. La chef adjointe a déclaré à la délégation que, pendant que la guerre fait rage dans l’est de l’Ukraine, les villes, y compris Kiev, sont confrontées à des attaques continues de missiles, notamment de missiles hypersoniques qui ne peuvent pas être abattus par les systèmes de défense aérienne actuellement déployés dans le pays. Suite aux contre-offensives ukrainiennes qui ont conduit à la libération de Kherson en novembre, le conflit s’est transformé en guerre d’usure brutale. 

Galyna Mykhailiuk a exhorté les parlementaires réunis à Varsovie à continuer de fournir un soutien militaire et budgétaire à l’Ukraine afin que le pays soit en mesure de remporter cette guerre. Elle a indiqué que l’aide étrangère représentait actuellement 60 % du budget national, ajoutant que le Fonds monétaire international (FMI) avait assuré un suivi critique de la gestion budgétaire du gouvernement, confirmant l’intégrité et la viabilité des institutions nationales. Une plateforme de coordination financière a été créée pour garantir la cohérence et l’efficacité de l’aide à l’Ukraine. 

Vers la reconstruction de l’Ukraine

Les responsables et les experts polonais ont insisté sur le fait que la Russie devait assumer les coûts de la reconstruction de l’Ukraine, qui, selon eux, est essentielle au renforcement de l’architecture de sécurité européenne. Jusqu’à présent, les gouvernements occidentaux ont gelé près de 35 milliards de dollars américains d’actifs provenant de la banque centrale de Russie, d’oligarques et d’organisations liées au régime. Selon Wasyl Zwarycz, ambassadeur de l’Ukraine en Pologne, cet argent devrait d’abord servir à l’achat de munitions et d’équipements, les fonds restants pouvant contribuer au financement de la reconstruction. Tomasz Grodzki a déclaré qu’il y avait un consensus à ce sujet en Pologne. Il a ajouté que Vladimir Poutine essayait de nier l’efficacité des sanctions qui, en réalité, pèsent de plus en plus lourd sur la Russie, à tel point que la situation économique se détériore même à Moscou.

Les experts polonais ont toutefois averti que les coûts prévisionnels de la reconstruction augmentaient inexorablement avec le temps compte tenu des attaques russes contre les infrastructures civiles et économiques critiques. Fin 2022, les pertes liées aux infrastructures s’élevaient à près de 140 milliards de dollars, soit environ 70 % du PIB de l’Ukraine cette année-là. Selon les experts, il ne faut donc pas espérer que l’Ukraine se relève rapidement après la fin de la guerre. 

Beata Daszyńska-Muzyczka, présidente de la banque polonaise de développement, a indiqué que celle-ci jouait un rôle clé dans la coordination de l’aide à l’Ukraine et collaborait, entre autres, avec des banques d’investissement européennes et japonaises pour émettre des obligations contribuant à financer le logement, l’alimentation et les soins de santé des réfugiés, ainsi que des projets de développement essentiels en Ukraine. La banque aide également les entrepreneurs ukrainiens à financer leurs activités en Ukraine et en Pologne. Les quelque 20 000 entreprises ukrainiennes basées actuellement en Pologne joueront un rôle important dans la reconstruction du pays une fois la guerre terminée.

Jakub Karnowski de la School of Economics de Varsovie a présenté un projet universitaire d’envergure destiné à élaborer un plan de reconstruction économique de l’Ukraine. Il a souligné que l’UE devra jouer un rôle central dans la reconstruction, ce processus devant être inextricablement lié à la préparation de l’Ukraine à une éventuelle adhésion à l’UE.

Piotr Arak, directeur de l’institut économique polonais, a fait valoir qu’à terme, l’efficacité des réformes et des institutions importait plus que les niveaux d’aide, ajoutant que la régulation de la corruption et des lourdeurs administratives ainsi que la mise en œuvre d’un système judiciaire efficace et impartial étaient essentielles au processus de reconstruction. M. Arak a aussi suggéré que, même s’il fallait du temps pour préparer l’Ukraine à une adhésion à l’UE, le pays devrait être invité à adhérer à l’OCDE dès que possible, car cette organisation peut fournir des conseils et un appui décisifs pour le processus de réforme.

Le point de vue de Varsovie

Rafał Trzaskowski, maire de Varsovie, a rappelé à la délégation le rôle central des autorités infranationales et des acteurs de la société civile quand des millions d’Ukrainiens se sont réfugiés en Pologne et que la population de Varsovie a soudain augmenté de 20 %. Il a déclaré que, si l’administration centrale était bien à l’origine du soutien financier accordé aux réfugiés ukrainiens, c’était en revanche les autorités municipales qui se chargeaient de distribuer les fonds et de fournir les services publics financés avec un budget municipal excessivement serré.


Au parlement polonais, la délégation s’est également entretenue avec plusieurs hauts responsables polonais et d’éminents experts représentant le bureau de la sécurité nationale, le ministère des Finances, le National Democratic Institute et le German Marshall Fund of the United States

La délégation a également visité le bureau de la sécurité et de la gestion des situations d’urgence de la ville de Varsovie.

La visite s’est terminée par une découverte de la base accueillant la 1re brigade blindée de Varsovie à Wesoła. Les participants ont eu l’occasion de découvrir les tâches, la fonction, l’histoire et les traditions de la brigade blindée, puis ont observé des exercices d’entraînement, y compris des chars Leopard 2 en manœuvre.


Photos gracieusement fournie par la Chancellerie du Sénat
© Rafał Zambrzycki, Chancellery of the Sejm, © Ewelina Lach, © SGH Warsaw School of Economics

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