2022 - RAPPORT - PROBLÈMES MIGRATOIRES COMMUNS : LA COMMUNAUTÉ TRANSATLANTIQUE ET LA RÉGION MOAN

Fernando GUTIERREZ* (Espagne)

14 novembre 2022

* Ce projet de rapport a initialement été établi par Luca FRUSONE (Italie), rapporteur du GSM jusqu'au 25 septembre 2022. M. Gutierrez a gracieusement accepté de présenter ce projet en son nom à la réunion du GSM.

La question migratoire se trouve au premier plan de la scène politique intérieure des États d’un bout à l’autre de l’Alliance. Ceci s’explique par une hausse ininterrompue des mouvements migratoires internationaux d’origines diverses : conflit armé, guerre civile, sécurité humaine, problèmes structurels des pays d’émigration en matière de participation politique et de libertés publiques, insuffisance de la recherche scientifique et des progrès technologiques, pressions démographiques, difficultés économiques, famine, changement climatique ou encore rareté des ressources en eau.

Depuis 2014, l’Europe a ainsi été confrontée à deux vagues massives de flux migratoires du fait de la guerre : la première a été provoquée par le conflit en Syrie et en Iraq et la seconde s’est produite dans le prolongement de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Jusqu’à cette dernière, en mars 2022, la plus grande partie des flux migratoires en direction de l’Europe provenaient cependant de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MOAN). Cette situation continue de se répercuter sur les relations entretenues avec les pays de cette région et constitue un élément du dialogue engagé avec eux autour de questions de sécurité.

En règle générale, les gens qui fuient la violence s’installent à proximité de leur foyer, avec l’espoir de pouvoir y retourner un jour. Ainsi, dans le contexte de la guerre civile en Syrie, les habitants qui ont abandonné leur foyer ont souvent, dans un premier temps, cherché refuge à l’intérieur de leur propre pays mais, lorsque la situation est devenue intenable, ils ont alors franchi les frontières pour s’installer dans les pays voisins - Türkiye, Jordanie ou Liban -, dont les autorités se sont généreusement efforcées d’accueillir un afflux colossal de personnes traumatisées. Les capacités d’accueil de ces pays hôtes face à un tel afflux variaient considérablement et les réfugiés et les migrants ont commencé à prendre le chemin de l’Europe.

Mais les crises humanitaires qui ont poussé des millions de gens à quitter leur patrie ont aussi créé certaines dissensions entre les pays alliés quant à leur capacité à absorber une telle masse de migrants et sur des thèmes plus vastes touchant à l’identité nationale. Pour relever un tel défi, les facteurs de répulsion caractérisant les sociétés en crise doivent, certes, être traités mais il est également nécessaire d’agir sur la préparation des sociétés d’accueil et sur la manière dont elles coopèrent avec les pays d’émigration et d’autres pays hôtes.

L’OTAN elle-même a dû s’adapter au défi migratoire. Celle-ci a constaté de grands changements dans la nature de la guerre, qui l’obligent à garantir la sécurité à une époque de rivalité entre grandes puissances, mais aussi à faire face au terrorisme, aux conflits entre États, aux menaces cybernétiques et à celles qui pèsent sur les approvisionnements énergétiques, et même à prendre en compte les dimensions sécuritaires du changement climatique et des migrations de masse. Les interactions entre tous ces phénomènes ont débouché sur une inflexion de la pensée sécuritaire et sur la définition d’un cadre pour le concept de sécurité humaine.

La guerre en Ukraine a mis une nouvelle fois ce défi en lumière. Des millions de personnes ont quitté leur foyer pour rejoindre les pays alliés. La crise a par ailleurs été à l’origine d’une hausse vertigineuse du prix des denrées alimentaires et d’une inflation galopante qui engendrent un risque certain de déstabiliser les pays plus fragiles du Sud, traditionnellement des pays d’émigration vers l’Europe. Cette situation pourrait donc se traduire par de nouvelles vagues migratoires si les choses venaient à prendre une tournure critique et risque donc de représenter un défi pour l’Union européenne (UE), l’OTAN et leurs partenaires de la région MOAN.

Il est aujourd’hui impératif que l’UE et l’OTAN, agissant dans leurs sphères respectives, élaborent une stratégie claire, complète et cohérente pour relever ce défi migratoire en devenir. Une immigration non régulée est intrinsèquement liée à des menaces sécuritaires que l’OTAN seule ne peut que partiellement endiguer. L’UE, quant à elle, dispose d’une panoplie d’instruments (aide au développement, contrôle des frontières, police, ou encore diplomatie, entre autres), qui rendent un renforcement du partenariat entre les deux organisations non seulement pertinent mais crucial.

Œuvrer pour préserver la stabilité de la région MOAN face à la montée des problèmes économiques, politiques, climatiques, alimentaires et sociaux restera, pour les décennies à venir, un objectif fondamental pour la défense des intérêts de l’OTAN et de ses partenaires dans la région. Les responsables de la planification de l’Organisation doivent continuer à se concentrer sur cet objectif et mettre en place les moyens requis à cet égard, tout en promouvant de nouvelles capacités et une plus grande résilience dans la région. Ils doivent aussi veiller à ce que les réfugiés ne soient jamais utilisés comme des pions ou des moyens de pression politique. Les pays alliés doivent notamment apporter un large soutien aux « États de la ligne de front » de la région MOAN qui accueillent de nombreux réfugiés et migrants ayant fui les conflits. Des décisions difficiles devront en outre 
être prises sur l’aide humanitaire à apporter aux communautés vulnérables vivant au sein de sociétés sous emprise de gouvernements hostiles à l’OTAN.
 

 


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