2021 - RAPPORT - L’AVENIR DE L’IRAQ : SÉCURITÉ, STABILISATION ET VOCATION RÉGIONALE

Ahmet Berat ÇONKAR

05 décembre 2021

Au cours des deux dernières décennies, l’Iraq a connu la guerre civile, l’occupation, la montée du fanatisme ainsi qu’une profonde crise de confiance envers l’État et ses institutions. Certains observateurs affirment que l’Iraq est une construction artificielle, un amalgame de populations ethniquement et religieusement différentes, trop différentes pour être réunies sous le même drapeau. La longue histoire du pays et le puissant facteur d’attraction qu’exerce depuis toujours l’identité iraquienne, démentent pourtant cette assertion.

Depuis 2019, la situation en matière de sécurité s’est améliorée en Iraq ; il n’en reste pas moins que l’État doit faire face à d’importantes menaces internes et à des ingérences extérieures. Les divisions internes se reflètent dans les milices rivales que des acteurs non iraquiens viennent renforcer et qui, toutes, poursuivent leurs propres ambitions. Les acteurs de la région, au nombre desquels l’Iran, les monarchies du Golfe et la Turquie, jouent un rôle dans le pays, tout comme les États-Unis, les pays membres de l’OTAN et, dans une moindre mesure, l’OTAN proprement dite. Des rivalités régionales et une concurrence accrue entre, d’un côté, les Alliés et, de l’autre, la Russie et la Chine pèsent également sur la situation en matière de sécurité dans le pays. Les États-Unis sont depuis longtemps l’acteur extérieur le plus puissant dans la région. Les stratèges américains craignent de plus en plus que le Moyen-Orient ne concentre l’attention et les ressources américaines alors que des défis plus fondamentaux se font jour ailleurs. Le retrait récent d’Afghanistan des forces américaines et des forces de l’OTAN résulte en partie de cette logique. L’armée américaine a par ailleurs réduit ses effectifs militaires en Iraq, encore qu’elle continue d’y mener des opérations contre les combattants terroristes. L’OTAN elle-même participe à une importante mission de formation qui s’est vue récemment renforcée.

Les relations entre l’Iraq et les pays du Golfe se sont complexifiées ces dernières années, atteignant leur niveau le plus bas au moment des soulèvements arabes de 2011, quand les élites politiques et religieuses iraquiennes soutinrent les manifestants chiites de ces pays. Depuis, le premier ministre, Moustafa al-Kazimi, s’est efforcé d’améliorer les relations avec les monarchies du Golfe et d’attirer de nouveaux investissements en provenance de cette région prospère. Ces pays cherchent pour leur part à faire en sorte que l’Iraq ne rejoigne pas complètement le camp iranien. L’Iran, quant à lui, s’attache à ce que l’Iraq ne réapparaisse pas comme une menace militaire, politique ou idéologique. Il veut faire en sorte que celui-ci ne sombre pas dans la guerre civile, ni ne bâtisse un modèle démocratique différent qui puisse plaire aux Iraniens désabusés ; ceux-ci pourraient dès lors y voir le signe avant-coureur d’un avenir iranien non soumis au corps clérical. Téhéran cherche donc à préserver l’intégrité territoriale de l’Iraq, tout en y encourageant un gouvernement ami dominé par les chiites.

Plusieurs organisations militaires opèrent actuellement sous l’égide de l’État iraquien, au nombre desquelles l’armée iraquienne, le service de lutte contre le terrorisme (CTS), les unités de mobilisation populaire (PMF) et les forces de sécurité du gouvernement régional du Kurdistan (GRK). Il existe également tout un ensemble de milices chiites qui prétendent agir pour l’État. Si ces groupes sont bien financés grâce à l’appui de bailleurs de fonds à Bagdad et à Téhéran, leur fiabilité reste un sujet de préoccupation. Les groupes terroristes qui opèrent sur le territoire iraquien représentent une menace directe pour la sécurité et la stabilité du pays. Soutenu par les milices pro-iraniennes, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) continue d’ébranler la sécurité en Iraq tout en menaçant l’État iraquien et le GRK.

La situation économique de l’Iraq s’est rapidement détériorée depuis le début de la pandémie de Covid-19. L’État iraquien doit faire fonctionner une économie enclavée dépendante des exportations d’énergie et un secteur public hypertrophié. La chute des prix du pétrole a nui à l’économie, tandis que l’insécurité, la corruption endémique et l’insuffisance des capacités de l’État sont autant d’éléments qui compromettent la capacité du secteur privé à générer des emplois. L’érosion des finances publiques et la persistance du sectarisme ont contribué à l’instabilité. En octobre 2019, cette dynamique a déclenché l’un des soulèvements politiques et sociaux les plus importants du pays. La résistance des élites aux changements, le manque de réactivité du gouvernement et la répression de la contestation ont tout simplement érodé la confiance des Iraquiens en leur système politique. Pourtant, des partis « trans-religieux » ont commencé à apparaître et ceux-ci pourraient bien apporter les changements qui s’imposent dans le domaine politique.


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