Dix ans après le « Printemps arabe », les législateurs examinent les espoirs de changement et les causes structurelles de l’insécurité dans la région MOAN

19 mars 2021

La vidéo de la réunion est disponible au bas du communiqué de presse


Jeudi dernier, l’Assemblée parlementaire de l’OTAN (AP-OTAN) a organisé un webinaire de haut niveau en présence d’experts reconnus sur les conséquences du « Printemps arabe » de 2011, dix ans après les premières manifestations dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MOAN). Les discussions étaient axées sur les enjeux politiques et socio-économiques internes pour les pays de la région, ainsi que sur les mouvements géostratégiques plus larges qui s’y opèrent actuellement.

« Nous sommes réunis aujourd’hui afin de réfléchir à ce que nous pouvons faire, en tant que parlementaires, pour aider les citoyens et les gouvernements de la région à progresser sur la voie de la paix, de la stabilité et de la démocratie », a déclaré Sonia Krimi, avocate française et présidente du Groupe Spécial Méditerranée et Moyen-Orient (GSM) de l’Assemblée, à l’ouverture de la réunion.

Ce webinaire a attiré quelque 30 législateurs nationaux des États membres de l’OTAN, ainsi que des parlementaires du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord.

La première session, présidée par la sénatrice canadienne Jane Cordy, a examiné la situation en matière de politique intérieure dans la région MOAN et a mis en exergue les défis et les opportunités des gouvernements de cette région pour la prochaine décennie. Jane Cordy a tout d’abord fait remarquer que la vague de soulèvements populaires qui a balayé la région a suscité de grands espoirs de démocratisation. Cependant, elle a également souligné que, dix ans après, les doléances à l’origine des manifestations de 2011-2012 restent largement ignorés, comme en témoigne l’éclatement de nouveaux mouvements de protestation, entre autres en Algérie, en Iraq, au Soudan et au Liban.

Maha Yahya, directrice du Malcolm H. Kerr Carnegie Middle East Center, a indiqué qu’une grande résistance au changement perdurait actuellement au sein des régimes et institutions en place. Néanmoins, la révision de l’ancien contrat social sera inévitable car la trajectoire actuelle de l’évolution politique et socio-économique n’est pas tenable. « La question centrale est de savoir si les dirigeants arabes peuvent anticiper les changements à venir », a souligné Maha Yahya. Elle a également appelé à un soutien plus actif de la part de l’Occident dans l’amélioration de la gouvernance, de l’éducation et du développement économique de la région, car « ce qui se passe dans la région MOAN traverse les frontières ».

Luis Martinez, directeur de recherche au Centre de recherches internationales (CERI) à Sciences Po - Paris, a approfondi sur le cas de la Tunisie. Il a indiqué que la démocratie tunisienne émergente a conduit à une instabilité sur le terrain politique, mais aussi à un compromis historique entre des partis politiques opposés. En dépit des progrès réalisés, Luis Martinez a également fait remarquer que l’incapacité du gouvernement à répondre aux attentes socio-économiques a entraîné un désenchantement progressif vis-à-vis de la démocratie, qui s’est manifesté par une participation électorale moindre et par un taux faible de confiance dans les partis politiques. Et une révolution purement politique, sans composante économique, est insuffisante, a-t-il conclu.

Présidée par Sonia Krimi, la seconde partie de la réunion concernait la situation sécuritaire actuelle dans la région MOAN. Joost Hiltermann, directeur de programme pour cette région à l’International Crisis Group, a indiqué que les facteurs de conflit dans la région sont à la fois autogénérés, comme les questions religieuses ou de gouvernance, et importés, par exemple les interventions coloniales et post-coloniales. Il a souligné que la plupart des conflits dans la région MOAN sont dus à une combinaison de ces deux facteurs, ce qui complique considérablement leur résolution. Par exemple, selon lui, privilégier la lutte contre l’EIIL pourrait conduire à une escalade involontaire des tensions autour de la question kurde.

Jean-Loup Samaan, professeur associé au Collège de défense nationale des Émirats arabes unis, a affirmé que l’opération de l’OTAN mandatée par l’ONU en Libye en 2011 a marqué la fin de l’ère des interventions ambitieuses de l’Occident dans la région. Conséquence de cette lassitude stratégique, la priorité ne réside plus dans l’élimination des problèmes fondamentaux dans la région MOAN, mais dans l’atténuation de leurs répercussions sur l’Occident. Se limiter à l’assistance, au conseil et à la formation des partenaires locaux est pratique pour les pays occidentaux, mais cela signifie également que l’effet de cette aide reste extrêmement réduit. Cette approche permet également à d’autres puissances, telles que la Chine et la Russie, de s’affirmer davantage, toujours selon lui.

Joost Hiltermann et Jean-Loup Samaan se sont montrés pessimistes quant à une résolution des divers conflits dans la région dans un avenir proche. Pour eux, gérer, endiguer et atténuer les répercussions de ces conflits, c’est tout ce qui peut être fait dans les circonstances actuelles.


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