Une visite de parlementaires alliés en Roumanie met en lumière l’importance cruciale de la sécurité dans le bassin de la mer Noire

13 avril 2023

La nouvelle invasion de l’Ukraine par la Russie, invasion illégale et injustifiée, a accru l’importance stratégique de la mer Noire dans un paysage sécuritaire euro-atlantique profondément remanié. Face à l’agressivité et aux ambitions impérialistes de Moscou, les pays alliés renforcent considérablement, tout à la fois, leurs moyens de dissuasion et de défense et leur résilience à l’échelon national et collectif sur le flanc Est, en même temps qu’ils soutiennent l’Ukraine dans le combat légitime qu’elle mène pour repousser l’envahisseur et préserver son indépendance. La Roumanie joue un rôle central dans ces efforts d’adaptation et d’assistance et assure à l’Alliance un ancrage ferme et stable dans le bassin de la mer Noire.

Tels sont les principaux messages qu’une délégation de la commission sur la démocratie et la sécurité de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN a pu entendre à diverses reprises lors de son séjour à Bucarest et Constanţa, du 4 au 6 avril derniers. Sept pays membres de l’OTAN étaient représentés au sein de cette délégation, qui était conduite par Rodrigue Demeuse (Belgique). 

La contribution de la Roumanie à la sécurité alliée : un ancrage dans le bassin de la mer Noire

La décision insensée de la Russie d’attaquer brutalement un voisin pacifique, indépendant et souverain a déplacé le centre de gravité de l’Alliance vers le flanc Sud-Est, conférant ainsi une importance stratégique accrue à la Roumanie comme à la mer Noire, a estimé Ioan Mircea Pascu, professeur à l’École nationale d’études politiques et administratives (SNSPA). Fait surprenant, la distance séparant l’Île des Serpents, territoire ukrainien, des côtes roumaines est de seulement 45 km. À plusieurs reprises, les représentants du gouvernement roumain se sont félicités du statut de « zone d’importance stratégique pour l’Alliance » conféré au bassin de la mer Noire par le concept stratégique de l’OTAN de juin 2022, d’une part, et de la décision prise au sommet de Madrid d’étoffer la présence militaire alliée sur le flanc Est, d’autre part.

Pour Simona Cojocaru, secrétaire d’État et cheffe du département de la politique de défense, de la planification et des relations internationales au ministère de la défense nationale, « la guerre totale et brutale déclenchée contre l’Ukraine confirme que c’est bien de la Russie qu’émane la menace la plus grave pesant de façon persistante sur la sécurité européenne, euro-atlantique et régionale. La guerre en Ukraine pose un épineux problème à l’OTAN et sape l’ordre international fondé sur des règles. » Les représentants gouvernementaux ont bien accueilli les mesures prises au sommet de Madrid pour renforcer le dispositif de dissuasion et de défense allié sur le flanc Est. « La consolidation de la défense en avant, l’amélioration de nos groupements tactiques orientaux, promus au rang de brigades, et la transformation des structures de forces de l’OTAN sont des décisions qui protègent la Roumanie et le bassin de la mer Noire », a ajouté Mme Cojocaru.

Depuis 2004, date de son adhésion à l’OTAN, la Roumanie a développé les capacités de ses forces armées et accru leur interopérabilité avec celles des autres pays alliés. À la suite de la nouvelle invasion de l’Ukraine, son budget militaire est passé à 2,5 % du PIB. « Aujourd’hui », a dit Vasile Dîncu, chef de la délégation de la Roumanie auprès de l’Assemblée, « la Roumanie possède des forces armées professionnelles et aguerries qui affichent une complète interopérabilité avec leurs homologues alliées et qui apportent une valeur ajoutée non négligeable aux missions, activités de formation et exercices auxquels elles participent. »

Sa position géostratégique fait de la Roumanie un pôle stratégique essentiel pour la sécurité euro-atlantique. Quelque 5 000 militaires alliés sont actuellement déployés dans le pays et, plus précisément, dans les bases de Constanţa, Cincu, Deveselu et Campia Turzii, ainsi que dans les structures de commandement de Sibiu, Bucarest et Craiova. Il existe aussi à Oradea un centre d’excellence accrédité par l’OTAN et consacré au renseignement humain. La délégation s’est rendue à la base aérienne de Mihail Kogalniceanu, où la présence de troupes roumaines, américaines, italiennes et françaises contribue à dissuader d’une éventuelle agression russe et à défendre l’espace aérien et le territoire alliés.

Par ailleurs, la Roumanie joue un rôle clé pour ce qui est de garantir la sécurité et la liberté de navigation dans la mer Noire, au vu des tentatives russes – jusqu’ici infructueuses – de faire plier l’Ukraine et de paralyser son économie, a indiqué George Scutaru, président directeur général du nouveau centre stratégique. La Marine roumaine procède à des patrouilles et à des campagnes de dragage de mines afin de protéger les voies de transport et de communication. Ces opérations sont indispensables à la concrétisation de l’Initiative céréalière de la mer Noire (ICMN), cet accord – conclu grâce à la médiation de la Türkiye et de l’ONU – qui autorise l’exportation de produits alimentaires et d’engrais à partir de trois ports ukrainiens situés sur la mer Noire. Une partie des cargaisons concernées est traitée, puis réexportée via des ports roumains. Lors d’un débat entre la délégation et des étudiants de l’Université de défense nationale Carol I, le général Eugen Mavriș, recteur de l’établissement, a invité instamment les pays de l’OTAN à apporter leur concours à la modernisation et à l’amélioration des capacités navales roumaines. Au port militaire de Constanţa, des officiers de marine ont expliqué que, plus de 400 jours après le début de l’agression contre l’Ukraine, la sécurité restait compromise dans la mer Noire : il est en effet fréquent que les Russes brouillent les systèmes de géo-positionnement par satellite (GPS), prétextent l’organisation de faux exercices de dernière minute pour entraver la navigation dans des zones spécifiques et imposent des restrictions de vol.

Diriger par l’exemple : promouvoir la résilience en parant aux menaces hybrides et en renforçant la cohésion sociale

Tout au long de la visite, les interlocuteurs de la délégation ont redit leur indéfectible soutien politique à Kiev. Iulian Chifu, conseiller du premier ministre pour la sécurité et les affaires stratégiques, s’est exprimé clairement : « L’Ukraine doit gagner cette guerre. Les négociations diplomatiques ne sauraient commencer tant qu’elle ne sera pas victorieuse. Dans le cas contraire, la Russie en profiterait pour reconstruire ses capacités militaires et frapper à nouveau. » Les autorités roumaines n’ont cessé de condamner les agissements criminels de la Russie, d’appeler à un durcissement des sanctions contre ce pays et de se prononcer pour l’intégration euro-atlantique de l’Ukraine. 

Marcel Ciolacu, président de la Chambre des députés, a rappelé que, dès le début de la nouvelle invasion russe, la Roumanie avait aidé les autorités et la population ukrainiennes autant qu’elle le pouvait. Elle est, de tous les membres de l’Union européenne et de l’OTAN, celui qui partage la plus longue frontière terrestre et maritime avec l’Ukraine et elle a fait montre de beaucoup de générosité à l’égard des quelque 3,7 millions de réfugiés ukrainiens qui ont traversé son territoire pour gagner d’autres pays européens. Elle héberge encore une centaine de milliers de réfugiés – surtout des femmes et des enfants – qui peuvent poursuivre leur scolarité, trouver un emploi moyennant des procédures administratives simplifiées, emprunter gratuitement les transports publics, recevoir des soins et bénéficier de diverses autres formes d’aide.

Par ailleurs, la Roumanie a mobilisé ses ports sur la mer Noire de même que ses réseaux ferroviaires et routiers pour faciliter les exportations des céréales ukrainiennes ; elle a en outre investi des dizaines de millions d’euros dans des améliorations infrastructurelles destinées à accroître sa capacité de traitement et d’écoulement de ces exportations. Cette contribution aussi considérable que digne d’éloges a eu un coût certain pour les agriculteurs roumains comme pour l’économie nationale, mais elle a aidé à maintenir l’économie ukrainienne à flot et à prévenir une nouvelle aggravation de l’insécurité alimentaire qui frappe la planète. Constanta, le plus grand des ports sur la mer Noire, est la plaque tournante des efforts ainsi déployés. En visite dans cette ville, la délégation a appris qu’en 2022 le volume des expéditions avait atteint son niveau le plus haut depuis six ans et se composait pour moitié de produits agricoles tels que des céréales, mais aussi d’engrais et de pétrole. Les cargaisons en provenance d’Ukraine  – essentiellement des céréales et des semences – représentaient environ un tiers de l’ensemble des cargaisons agricoles.

De surcroît, la Roumanie envoie périodiquement une assistance humanitaire à l’Ukraine pour alléger les souffrances que la guerre de choix déclenchée par la Russie inflige à la population. Elle apporte aussi un soutien vital à une République de Moldova qui se trouve aux prises avec les conséquences de l’agression russe et qui doit parer aux attaques hybrides de Moscou visant à la déstabiliser tandis qu’elle continue à progresser sur la voie de l’Europe. Elle l’aide notamment à consolider son indépendance vis-à-vis du gaz russe et à gérer l’arrivée de millions de réfugiés ukrainiens. Les interlocuteurs de la délégation ont été unanimes à demander que d’autres pays alliés viennent en aide aux autorités de Chisinau.


Photos of the visit.

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