Washington, Seattle et Bruxelles, le 2 juin 2019 – Les gros titres et une certaine rhétorique ne devraient pas occulter le fait que l'engagement des États-Unis envers l'OTAN est plus entier que jamais, notamment de la part des deux partis politiques représentés au Congrès des États-Unis, mais aussi au sein même de la population américaine. Toutefois, la mise en œuvre de l'engagement pris par les gouvernements alliés de consacrer 2 % de leur PIB à la défense est primordiale pour permettre à l'Alliance de faire face aux futures menaces potentielles. Telles sont quelques-unes des principales conclusions d'une récente visite de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN (AP-OTAN) aux États-Unis.
Les réunions tenues à Washington D.C. et à Seattle du 10 au 14 juin 2019 ont porté sur un large éventail de questions de sécurité et de politique économique, et notamment sur les priorités de la politique étrangère et de sécurité des États-Unis, la sécurité en Afrique et au Moyen-Orient, la cybersécurité, l'économie numérique et le commerce transatlantique. La délégation conjointe de la sous-commission sur les relations économiques transatlantiques (ESCTER) et de la sous-commission sur les relations transatlantiques (PCTR), dont la présidente de l'AP-OTAN, Madeleine Moon, comptait 31 législateurs représentant 14 pays membres de l'OTAN.
Concernant la politique des États-Unis vis-à-vis de l'OTAN et de l'Europe, un expert indépendant a recommandé de « rester concentrés sur ce que nous faisons et non sur ce que nous disons ». En ce sens, outre l'engagement actuel marqué des États-Unis au sein même de l'OTAN, l’augmentation significative du financement de l'Initiative européenne de dissuasion (IED) a été révélatrice.
Heather Conley, la directrice du Programme Europe au Center for Strategic and International Studies (CSIS), a fait remarquer qu'il y a eu néanmoins une grande frustration aux États-Unis face à l'insuffisance des dépenses engagées et des capacités européennes de défense. Un responsable américain a rappelé à la délégation que la question du partage des charges a toujours été à l’ordre du jour de l'OTAN depuis sa création, mais que les conversations placides du passé n'avaient donné aucun résultat avant 2014 (du moment où la Russie a annexé la Crimée). L'administration actuelle a fermement mis l'accent sur cette question et ce, de manière publique. Le responsable a également souligné que l'évolution rapide des types de menace exige des Alliés qu'ils se concentrent sur le développement de leurs capacités, améliorent encore leur interopérabilité et renforcent la coopération entre les entreprises de défense américaines et européennes.
Les exposés ont dégagé un certain consensus quant à la Russie, notamment, à l’instar de Rachel Ellehuus, chercheuse principale et directrice adjointe du programme Europe, au CSIS sur le fait que « l'objectif de Moscou consiste à diviser l'OTAN ». Divers intervenants ont également estimé que l'économie russe était faible, ce qui pourrait conduire le Kremlin à chercher la confrontation pour détourner l'attention de son propre désordre intérieur.
La présidente de la chambre des représentants, Nancy Pelosi, le chef de la délégation américaine auprès de l'AP-OTAN, Gerald E. Connolly, et d'autres membres du Congrès américain ont souligné le soutien bipartite massif envers l'Alliance et, dans une large mesure, à l'IED ainsi qu'aux initiatives bilatérales américaines avec l'Ukraine et la Géorgie.
Sur d'autres questions de politique étrangère, comme le changement climatique et l'Iran, plusieurs experts indépendants, dont Mme Conley, ont toutefois fait état d’une « carence d’entente bipartite ». Les États-Unis, comme l'Europe, ont « perdu leur centre politique », a regretté Mme Conley.
Alors que les interlocuteurs officiels et indépendants ont estimé que les relations transatlantiques en matière de sécurité étaient plus solides que jamais, les experts indépendants se sont dits préoccupés par les relations économiques et commerciales, au sein desquelles les positions et les approches européennes et états-uniennes vis-à-vis des instruments multilatéraux semblent diverger considérablement.
Les réunions d'information à la Banque mondiale ont porté sur l'assistance de celle-ci aux pays de la région du Sahel et à l'Afrique en général. Le continent concentre plus de la moitié de la pauvreté du globe, ce qui explique pourquoi la stratégie de l’organisation s’évertue à y précipiter croissance et durabilité. Une partie centrale des efforts de la Banque mondiale se concentre sur un soutien aux réformes qui renforcent les institutions et combattent la corruption. La Banque mondiale accorde également la priorité au renforcement du capital humain et à l'autonomisation des femmes, tous deux des facteurs essentiels au développement. En outre, les programmes de la Banque mondiale aident à mettre au point des outils numériques qui contribuent à limiter la fraude. L'innovation numérique pourrait, quant à elle, induire une réduction des impôts, ce qui, à son tour, permettrait de générer de la croissance économique et des emplois. Ces derniers sont cruellement recherchés étant donné que chaque année, quelque 12 millions de jeunes Africains entrent sur le marché du travail. Le changement climatique pose également un défi croissant au développement du continent ; la Banque mondiale estime que d’ici 2050, rien qu'en Afrique, l’aggravation des effets du changement climatique pourrait pousser jusqu'à 86 millions d’individus à migrer à l’intérieur de leur propre pays.
En ce qui concerne la région MOAN, les experts du Washington Institute for Near East Studies ont déclaré que les États-Unis s'inquiétaient des dissensions persistantes entre les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Ni le Qatar, ni l'Arabie saoudite, ni les Émirats arabes unis ne semblent en passe de régler leurs différends, ce qui pourrait déstabiliser davantage, dans le Golfe, une situation déjà fragile en matière de sécurité. Ce que l'administration Trump entend obtenir dans la région, notamment en Syrie et en Iraq, reste également flou, selon les experts de l'Institut.
Les exposés à Seattle ont porté essentiellement sur les progrès technologiques et les questions de sécurité régionale. Des experts de Microsoft Corporation et d'Amazon ont briefé la délégation sur les opportunités et les défis induits par la numérisation. Les parlementaires de l'OTAN se sont vu dresser un panorama complet des conséquences potentielles d’une plus grande numérisation pour l'économie et, plus généralement, pour la société. L'accent a été mis sur la cybersécurité et la protection des processus démocratiques contre les ingérences. Des experts indépendants de l'Institut Henry Jackson de l'Université de Washington ont également présenté tout une série de séances d'information extrêmement instructives sur des questions de sécurité bien spécifiques, notamment concernant la Russie, l’Asie centrale, la Chine et l’Inde. Le programme s'est conclu par une visite chez Boeing, au cours de laquelle les participants ont été informés de l'évolution des technologies aérospatiales, tant militaires que civiles, et des efforts déployés par Boeing pour promouvoir l'innovation dans le secteur aérospatial.
Les photos de cette visite appartiennent au domaine public ; elles sont disponibles sur le compte Flickr de l’AP-OTAN.