Przemyslaw Czarnecki, chef de la délégation polonaise auprès de l'AP-OTAN, évoque la situation en Pologne pendant la crise de la Covid-19, la manière dont le pays y a fait face et les défis permanents sur le flanc Est de la zone OTAN.
4 questions posées à Przemyslawon Czarnecki:
I. Les Alliés se sont employés à fournir des ressources et de l’aide humanitaire aux pays les plus gravement touchés, apportant ainsi un soutien tout à fait déterminant aux membres et partenaires de l’OTAN confrontés à cette crise sans précédent. Pouvez-vous nous dire comment la Pologne a tiré parti des structures de l’OTAN pour aider d’autres pays, et dans quelle mesure elle a pu bénéficier elle-même de l’aide d’autres Alliés au cours de la crise ?
Jusqu’à présent, et bien heureusement, la Pologne n’a pas été confrontée à une vague épidémique massive. Depuis le tout début et jusqu’à ce jour, l’épidémie est restée sous contrôle et à part quelques flambées dans des milieux fermés comme des institutions de protection sociale, des hôpitaux et des mines, la situation épidémiologique a été et reste relativement bonne. De même, si l’on excepte la coopération sur des questions purement liées aux soins de santé – échange de personnels et surtout d’informations sur l’évolution de la pandémie et le traitement de la COVID-19 –, la Pologne n’a pas eu besoin, jusqu’à présent, d’aide extérieure à grande échelle. Bien sûr, en marge de l’approvisionnement en matériel médical, plusieurs transports ont été organisés dans le cadre du programme SALIS de l’OTAN, auquel la Pologne est partie prenante.
II. Quelles mesures supplémentaires l’OTAN et les forces armées alliées devraient-elles prendre pour appuyer les réactions nationales et internationales à la crise de la COVID-19 ?
Vu la situation épidémiologique relativement favorable en Pologne, il n’a pas été vraiment nécessaire de faire largement appel aux forces armées pour endiguer l’évolution de l’épidémie. Il faut dire aussi que la Pologne ne possède pas de vaste expérience de ce type de situation. Cela étant, n’oublions pas que d’un point de vue historique, toutes les crises, y compris celles en lien avec des pandémies, ont eu des retombées en termes de sécurité internationale. On constate aujourd’hui une aggravation de la menace tant sur le flanc est de l’OTAN, avec la situation dans le Donbass, que sur le flanc sud, avec la situation en Libye et en Syrie. Maintenant, pour ce qui concerne directement la Covid-19, il serait peut-être intéressant d’analyser la manière dont certaines institutions de l’OTAN comme le Centre euro-atlantique de coordination des réactions en cas de catastrophe, l’Agence OTAN de soutien et d’acquisition, la force de réaction rapide de l’OTAN ou son Centre d’excellence pour la médecine militaire, ont réagi lors de crises précédentes.
III. La Pologne a enregistré bien moins de contaminations à la COVID-19 que de nombreux autres membres de l’OTAN. Quel rôle les forces armées polonaises et les forces de défense territoriale, créées il y a peu, dans votre pays ont-elles joué dans l’endiguement de la propagation du virus ? Pensez-vous que la Pologne a tiré des enseignements dont d’autres Alliés pourraient s’inspirer face à la pandémie actuelle et en prévision d’urgences sanitaires futures ?
Comme mentionné plus haut, la Pologne a eu jusqu’à présent de la chance (11 000 cas confirmés à ce jour) et il n’a donc pas été vraiment nécessaire de faire intervenir les forces armées au niveau national. Cela étant, dans certaines situations particulières, souvent au niveau local, les forces armées régulières et les WOT (forces de défense territoriale) ont joué un rôle important dans la lutte contre l’épidémie, par exemple en apportant une aide aux institutions de protection sociale, en procédant à des prises de température dans différentes installations, en distribuant du matériel médical et, jusqu’à un certain point, en assurant le maintien de l’ordre. Dans tous les cas, il s’agissait essentiellement d’interventions à caractère auxiliaire. Pour ce qui concerne l’expérience de la Pologne dans la lutte contre la COVID-19, notre principale campagne d’information sur les menaces associées à la maladie et les comportements socialement responsables comme la distanciation semble efficace.
IV. Quel est le rôle joué par les parlementaires dans cette crise ? Et dans quelle mesure la diplomatie interparlementaire, notamment au sein de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, peut-elle contribuer à atténuer les effets de cette crise et à se préparer à la crise suivante ?
Je pense, à titre personnel, qu’en de tels moments les politiciens doivent se montrer responsables et ne pas se laisser emporter. Je n’apprécie pas de voir la Covid-19 utilisées aux fins de la confrontation politique – c’est d’ailleurs le cas également en Pologne. Pour moi, l’objectif premier doit consister, tout d’abord, à faire en sorte que le secteur des soins de santé dispose de ressources suffisantes, y compris financières, pour combattre le coronavirus et ensuite, à préparer des plans qui nous permettent de surmonter la crise qui frappe d’ores et déjà l’économie mondiale. La prochaine crise ne sera probablement pas médicale mais économique, et il faudra avant tout miser sur la coopération internationale pour en limiter les effets. Je crois que l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, en favorisant l’échange d’expériences nationales entre ses pays membres, pourrait, avec d’autres organes, faire office d’enceinte pour un tel débat.
Przemyslaw Czarnecki, chef de la délégation polonaise auprès de l'AP-OTAN